Si le départ des Allemands et donc la libération de notre territoire fut un énorme soulagement pour tous, sur le littoral sud ouest du Morbihan, la situation était tout autre.
Sur l'île de Groix qui est intégrée dans cette "poche" dite de Lorient, les difficultés de ravitaillement vont vite se faire sentir sur ce territoire qui en février 1944 abritait près de de 3.500 soldats de l’armée allemande.
Avec l'aide la Croix Rouge et avec l'accord des autorités occupantes, entre le 12 septembre 1944 et le 18 Février 1945, le bateau "Ile de Groix" transporte vers Concarneau, près de 2000 Groisillons dont beaucoup de femmes et d'enfants.

Fig 1 : Débarquement des réfugiés groisillons à Concarneau. Le bateau "Ile de Groix" arbore les pavillons de la Croix Rouge. Tableau de Lucien Victor Delpy.
La très grande majorité de ces groisillons seront accueillis dans les communes du centre Bretagne, Sud des Côtes d'Armor (Côtes du nord à l'époque) et nord du Morbihan.
Pour ce qui est de la présence de Groisillons à Bénodet, elle fut révélée dans un article de Foën Izella (n° 40 paru en décembre 2012, "l'été 44 à Bénodet" sous les plumes de Yvonne et Louis Nicolas, article qui reprend le journal que Madame Boissel, mère, écrivait au quotidien).
Les extraits de ce journal ont été transmis (quelle excellente initiative) aux archives départementales du Finistère par les nièces de Mme et M. Jean Boissel et de ses soeurs, Annie et Germaine qui furent formidablement dévouées durant cette période difficile.
" Samedi 11 novembre : Ce matin cérémonie de l’armistice. Beaucoup de monde ; Une délégation de fusiliers marins aux armées était à côté du catafalque. Les jeunes ont chanté. Le monument était fleuri. Les marins ont offert deux grandes couronnes ; un banquet d’anciens combattants chez Tranchard. M. Perros a prévenu qu’on allait recevoir 80 réfugiés de Groix qui seront logés à Kermoor et nourris à Beauséjour. Il y a dû avoir cinéma. Sur le journal avait paru que la salle Chalony était fermée pour un mois pour bal clandestin.
Dimanche 12 novembre : Agitation à propos de l’arrivée de 80 réfugiés de Groix que l’on devait installer à Kermoor qui n’a ni eau ni électricité et qui est des plus malpropres. Soirée assez agitée avec des groupes chantant l’Internationale et tapant sur un tambour. Triste mentalité !
Lundi 13 novembre : Arrivée de 50 réfugiés en fin de compte, ils sont installés chez Tanneau à Beaurivage qui n’était pas tout à fait prêt. A été aidé par quelques jeunes filles entre autres Annie et Marie Jeannès. On a pu leur préparer à déjeuner. Ils étaient contents. Cariou, du Trez, a offert une barrique de cidre. On prétend qu’il en arrivera d’autres. L’hôtel de L’Odet, croyant les recevoir n’avait pas de fourneaux. Il a fallu lui donner le petit poêle servant à préparer le repas des porcs".
A noter que Madame Boissel confond Beau Rivage et Beau Séjour. Henri Tanneau était lae propriétaire de l'hôtel Beau Séjour au Trez.
Les groisillons après ces premiers petits soucis seront finalement accueillis à l'hôtel Ker Moor.

Fig 2 : Un groupe de groisillonnes dans les jardin devant l'hôtel Ker Moor dont on reconnait en arrière plan et à droite, le restaurant en terrasse.
Document aimablement fourni par Mme Le Yaouanq de Lorient dont la maman se trouve sur la photo et qui précise : "Certains enfants ou adolescents ont été réfugiés sans leurs parents et confiés aux bons soins de familles amies. Aussi, un lien très fort et une vraie solidarité s'étaient créés à l'hôtel Kermoor entre les réfugiés démunis. Ma mère se souvenait de la joie de la libération, des bals organisés à cette occasion, de sa tristesse de devoir quitter Bénodet". Et de rajouter :"Ma mère, NICOLE NICLOT née le 29 mars 1929, y figure au 2ème rang en partant de la gauche. Elle tricote, avec ses amies des petits vêtements pour bébés à destination de la Croix Rouge".
Les enfants les plus jeunes furent scolarisés à Bénodet et plusieurs d'entre les filles se retrouvent sur les registres de l'école Notre Dame pour cette années scolaire 1944-1945.

Fig 3 : L'indication du lieu de résidence est clairement noté pour deux élèves mais il est certain que les patronymes qui suivent ne sont pas vraiment spécifiques au pays fouesnantais.
"L'enquête" sur ces réfugiés de l'île de Groix n'est pas terminée et il n'est pas impossible que d'autres documents ou témoignages viennent encore se rajouter à la petite liste.
Quant à "l'originalité" que constituait Bénodet comme lieu de séjour, peut être faut-il en chercher la cause du côté de la Croix Rouge française dont le président entre 1942 et 1944 fut Benoît Joseph Bertrand Marie Gabriel, marquis de Mun qui possédait à Bénodet une grande villa "non loin du bac" (réquisitionnée par les Allemands) et baptisée Ker Julien... mais l'auteur de ces lignes n'a pas retrouvé cette villa...
Comme annoncé "l'enquête" s'est poursuivie et les résultats dépassent toutes les espérances...
Les dossiers des familles groisillonnes ont été trouvés aux archives départementales du Finistère et contiennent des informations essentielles.
59 dossiers individuels ou familiaux pour un total de personnes (sauf erreur) de 164 réfugiés !!!
On y trouve des renseignements essentiels comme les dates d'arrivée. Si certaines sont fantaisistes, il semble assuré que les 2 contingents principaux datent des 21 et 23 novembre 1944.
Si la photographie aimablement transmise par un membre de famille Niclot, atteste d'un hébergement à l'hôtel Ker Moor, le nombre conséquent de réfugiés a nécessité l'accueil en un second lieu, à l'hôtel Beau Séjour chez Henri Tanneau.
La proximité de ce second hôtel vis à vis de Ker Moor, n'est sans doute pas étrangère à ce choix.

Fig 4 : Un exemple de fiche familiale de recensement de réfugiés (recto)

Fig 5 : La fiche côté verso avec ici l'époux et les 4 enfants. En règle générale, la fiche est remplie par l'épouse et son nom de jeune fille apparaît donc en premier.

Fig 6 : La situation des 2 hôtels. Outre la proximité des 2 hôtels; un autre avantage non négligeable était la faible distance entre ces lieux d'hébergement et la plage du Trez.

Fig 7 : L'hôtel Ker Moor dans son environnement. Photo prise de la dune de la plage du Trez. La photo doit dater des années 1950. Elle correspond au paysage qu'ont fréquenté les groisillons.

Fig 8 : Plage du Trez avec sa dune et hôtel Ker Moor.

Fig 9 : La salle de restaurant de Ker Moor .

Fig 10 : Façade ouest de l'Hôtel Beau Séjour.

Fig 11 : Pignon sud, côté rue du Trez de l'hôtel Beau Séjour.

Fig 12 : Situation des 2 hôtels. Vue aérienne. La proximité de la plage est évidente.
Remerciements sincères à Mme Le Yaouanq et Mme Le Loupp. Gros merci également au services des archives départementales du Finistère pour leur aide précieuse et leur gentillesse.
sources : archives départementales du Finistère
1 J 1269 1 (agenda 1944 Mme Boissel
Seconde guerre mondiale : victimes de guerre - Classement par commune.
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