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Il y a 80 ans (11) : DES REFUGIES DE L'ILE DE GROIX A BENODET- Compléments -3-

Dernière mise à jour : 30 avr.

Si le départ des Allemands et donc la libération de notre territoire fut un énorme soulagement pour tous, sur le littoral sud ouest du Morbihan, la situation était tout autre.

Sur l'île de Groix qui est intégrée dans cette "poche" dite de Lorient, les difficultés de ravitaillement vont vite se faire sentir sur ce territoire qui en février 1944 abritait près de de 3.500 soldats de l’armée allemande.

Le 2 novembre, les Allemands ordonnent l’évacuation de la population de Groix pour que le ravitaillement local ne serve plus qu’à l’armée allemande. Ils envisagent également l’évacuation de Belle-Île. Le 2 décembre 1944, près de 3 000 personnes ont effectivement quitté Groix, volontairement afin d’échapper à la famine ou parfois sous la contrainte.

Avec l'aide la Croix Rouge et avec l'accord des autorités occupantes, entre le 12 septembre 1944 et le 18 Février 1945, le bateau "Ile de Groix" transporte la majorité de ces groisillons vers Concarneau.

Fig 1 : Débarquement des réfugiés groisillons à Concarneau. Le bateau "Ile de Groix" arbore les pavillons de la Croix Rouge. Tableau de Lucien Victor Delpy.


La très grande majorité de ces groisillons seront accueillis dans les communes du centre Bretagne, Sud des Côtes d'Armor (Côtes du nord à l'époque) et nord du Morbihan.

Pour ce qui est de la présence de Groisillons à Bénodet, elle fut révélée dans un article de Foën Izella (n° 40 paru en décembre 2012, "l'été 44 à Bénodet" sous les plumes de Yvonne et Louis Nicolas, article qui reprend le journal que Madame Boissel, mère, écrivait au quotidien).


Les extraits de ce journal ont été transmis (quelle excellente initiative) aux archives départementales du Finistère par les nièces de Mme et M. Jean Boissel et de ses soeurs, Annie et Germaine qui furent formidablement dévouées durant cette période difficile.

Dimanche 8 octobre : " On parle de recevoir des personnes évacuées... On recherche des logements pour des réfugiés de Groix et des environs, pour une durée de d'au moins deux ans.


Samedi 11 novembre : Ce matin cérémonie de l’armistice. Beaucoup de monde ; Une délégation de fusiliers marins aux armées était à côté du catafalque. Les jeunes ont chanté. Le monument était fleuri. Les marins ont offert deux grandes couronnes ; un banquet d’anciens combattants chez Tranchard. M. Perros* a prévenu qu’on allait recevoir 80 réfugiés de Groix qui seront logés à Kermoor et nourris à Beau Séjour. Il y a dû avoir cinéma. Sur le journal avait paru que la salle Chalony était fermée pour un mois pour bal clandestin.

  • Laurent Perros qui a fait l'objet d'un article précédent, était le "maire par interim" à la Libération et le travail n'a pas manqué.

 

Dimanche 12 novembre :  Agitation à propos de l’arrivée de 80 réfugiés de Groix que l’on devait installer à Kermoor qui n’a ni eau ni électricité et qui est des plus malpropres.  Soirée assez agitée avec des groupes chantant l’Internationale et tapant sur un tambour. Triste mentalité !

 

 

Lundi 13 novembre : Arrivée de 50 réfugiés en fin de compte, ils sont installés chez Tanneau ( hôtel Beau Rivage au Trez) qui n’était pas tout à fait prêt. M.Tanneau a été aidé par quelques jeunes filles, entre autres Annie et Marie Jeannès. On a pu leur préparer à déjeuner. Ils étaient contents. Cariou, du Trez, a offert une barrique de cidre. On prétend qu’il en arrivera d’autres. L’hôtel de L’Odet, croyant les recevoir n’avait pas de fourneaux. Il a fallu lui donner le petit poêle  servant à préparer le repas des porcs".

A noter que Madame Boissel confond Beau Rivage et Beau Séjour. Henri Tanneau était le propriétaire de l'hôtel Beau Séjour au Trez.


Les groisillons après ces premiers petits soucis seront finalement accueillis à l'hôtel Ker Moor.


Fig 2 : Un groupe de groisillonnes dans les jardin devant l'hôtel Ker Moor dont on reconnait en arrière plan et à droite, le restaurant en terrasse.

Document aimablement fourni par Mme Le Yaouanq de Lorient dont la maman se trouve sur la photo et qui précise : "Certains enfants ou adolescents ont été réfugiés sans leurs parents et confiés aux bons soins de familles amies. Aussi, un lien très fort et une vraie solidarité s'étaient créés à l'hôtel Kermoor entre les réfugiés démunis. Ma mère se souvenait de la joie de la libération, des bals organisés à cette occasion, de sa tristesse de devoir quitter Bénodet". Et de rajouter :"Ma mère, NICOLE NICLOT née le 29 mars 1929, y figure au 2ème rang en partant de la gauche. Elle tricote, avec ses amies des petits vêtements pour bébés à destination de la Croix Rouge".


Les enfants les plus jeunes furent scolarisés à Bénodet et plusieurs d'entre les filles se retrouvent sur les registres de l'école Notre Dame pour cette années scolaire 1944-1945.


Fig 3 : L'indication du lieu de résidence est clairement noté pour deux élèves mais il est certain que les patronymes qui suivent ne sont pas vraiment spécifiques au pays fouesnantais.


"L'enquête" sur ces réfugiés de l'île de Groix n'est pas terminée et il n'est pas impossible que d'autres documents ou témoignages viennent encore se rajouter à la petite liste.

Quant à "l'originalité" que constituait Bénodet comme lieu de séjour, peut être faut-il en chercher la cause du côté de la Croix Rouge française dont le président entre 1942 et 1944 fut  Benoît Joseph Bertrand Marie Gabriel, marquis de Mun qui possédait à Bénodet une grande villa "non loin du bac" (réquisitionnée par les Allemands) et baptisée Ker Julien...


Fig 4 : La villa Ker Julien sur la corniche de l'estuaire. Comme bien d'autres elle fut réquisitionnée pendants la guerre par l'Occupant


Comme annoncé "l'enquête" s'est poursuivie et les résultats dépassent toutes les espérances...

Les dossiers des familles groisillonnes ont été trouvés aux archives départementales du Finistère et contiennent des informations essentielles.

59 dossiers individuels ou familiaux pour un total de personnes (sauf erreur) de 164 réfugiés !!!

On y trouve des renseignements essentiels comme les dates d'arrivée. Si certaines sont fantaisistes, il semble assuré que les 2 contingents principaux datent des 21 et 23 novembre 1944.

Si la photographie aimablement transmise par un membre de famille Niclot, atteste d'un hébergement à l'hôtel Ker Moor, le nombre conséquent de réfugiés a nécessité l'accueil en un second lieu, à l'hôtel Beau Séjour chez Henri Tanneau.

La proximité de ce second hôtel vis à vis de Ker Moor, n'est sans doute pas étrangère à ce choix.


Fig 5 : Un exemple de fiche familiale de recensement de réfugiés (recto)


Fig 6 : La fiche côté verso avec ici l'époux et les 3 enfants. En règle générale, la fiche est remplie par l'épouse et son nom de jeune fille apparaît donc en premier.


Une autre fiche familiale : Famille Guillaume- Le Dreff


Fig 7 : La fiche de la famille Guillaume dont le père Vincent était marin pêcheur. Il est bien noté qu'ils sont hébergés à l'hôtel Beau Séjour (quartier du Trez).


Fig 8 : La fiche de la famille Guillaume : les enfants: Elise et Christian


Fig 9 : Elise Guillaume née Le Dreff, épouse de Guillaume a donc passé quelques mois à l'hôtel Beau Séjour, avec son mari et ses deux enfants. Coll. Emilie Tristant


Témoignage de Mme Emilie Tristant : « Mes parents ont été réfugiés tout deux à Benodet à l’hôtel Beau Séjour. Mes parents sont Elise Guillaume épouse Tristant, née en 1939 et Guy Pierre Tristant, né lui en 1935. Maman était âgée de 4 ans il me semble. Elle m’a expliqué qu’ils avaient dû quitter l’île car plus aucun bateau de ravitaillement ne passait, bloqués certainement par décision de l’Occupant. Ils n’avaient plus de quoi manger. Mais je découvre que c’est La Croix Rouge qui a organisé leur transport vers Benodet. Maman gardait un bon souvenir de Bénodet; elle était partie avec les siens, sa famille, ses cousines, ses amis. Elle me disait qu’elles faisaient de crêpes. Cependant, elle a été hospitalisée dès les premiers jours, car elle avait des problèmes cutanés importants dus au manque d’hygiène lié à la difficulté de se procurer du savon à Groix. Mais je ne sais pas dans quel hôpital. A priori papa aussi a été hospitalisé mais je ne me rappelle plus pour quelle raison. Mais pour nous Bénodet a lié nos parents dans leur histoire de vie et de famille et quelques années plus tard ils se sont mariés ».


Heurs et malheurs


Le 14 décembre 1944, décès à l'hôtel Ker Moor de Marie Vincente Le Moing née le 18 mais 1856.


Le 24 décembre 1944 naissance à Ker Moor de la petite Bernadette LE DUFF, fille de Marcel et Léocadie Le Moing qui hélas ne survivra pas.


Le 9 janvier 1945 naissance dans la villa de Kermaneizick de Jean Pierre Raude, fils de Pierre, maître et de Anna Le Grel.


Le 18 janvier 1945 décès à l'hôtel Beau Séjour de de la petite Marie France LE DUC née à Groix le 12 septembre 1944, fille de Alphonse LE DUC et de Marie Françoise GILANTON.




Fig 10 : La situation des 2 hôtels. Outre la proximité des 2 hôtels; un autre avantage non négligeable était la faible distance entre ces lieux d'hébergement et la plage du Trez.


Fig 11 : L'hôtel Ker Moor dans son environnement. Photo prise de la dune de la plage du Trez. La photo doit dater des années 1950. Elle correspond au paysage qu'ont fréquenté les groisillons.


Fig 12 : Plage du Trez avec sa dune et hôtel Ker Moor.


Fig 13 : La salle de restaurant de Ker Moor .


Fig 14 : Courrier à en-tête de l'hôtel Beau-Séjour écrit de la main d'Henri Tanneau 4 juillet 1944.


Fig 15 : Façade ouest de l'Hôtel Beau Séjour.


Fig 16 : Pignon sud, côté rue du Trez de l'hôtel Beau Séjour.



Fig 17 : Situation des 2 hôtels. Vue aérienne. La proximité de la plage est évidente.


Témoignage d'Alain COSQUERIC du Trez.


Alain a 11 ans en 1945 et est scolarisé à l'école communale de Bénodet. Comme ses camarades il a vu en novembre 1944 les effectifs de l'école augmenter considérablement avec l'arrivée de nouveaux élèves, en provenance de Groix. Alain habite à proximité immédiate de l'hôtel Beau Séjour. Matin et soir les nouveaux copains effectuent ensemble le trajet. Les itinéraires varient... Le retour est toujours plus long, on s'attarde sur la dune ...

Marius BONNEC, Gaston LE DREFF, Paul LE GALL, sont ses nouveaux copains et d'école et de quartier. 50 ans plus tard, vers 1995 donc, Alain visite Groix et quelle n'est pas sa surprise à peine arrivé à Port Tudy, d'être abordé sur le quai. Sa grande stature en était sans doute la cause.


Fig 18 : Communion en 1945. Portant la croix Alain Cosquéric, du Trez, à gauche Roger Tranchard de l'hôtel des bains et à droite Alain Le Floch de Kerneost.




Remerciements sincères à Mmes Le Yaouanq et Tristant pour leurs témoignages et Mme Le Loupp. A Alain Cosqueric du Trez, pour son précieux témoignage. Gros merci également au services des archives départementales du Finistère pour leur aide précieuse et leur gentillesse.

sources : archives départementales du Finistère               

1 J 1269 1 (agenda 1944 Mme Boissel)

Seconde guerre mondiale : victimes de guerre - Classement par commune.

 


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