Une évocation des 3 et 4 août 1944 par Louis Nicolas de Bénodet, deux journées préparatoires à la Libération de Quimper d'abord, mais aussi deux journées qui permettent le regroupement de petites unités de résistants, pour la plupart des réfractaires au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire ) originaires du Pays Fouesnantais et de Quimper.
On peut constater que la formation de cette Compagnie n'obéissait pas à des règles très précises.

Fig 1 : Louis Nicolas auteur de ces lignes. Carte de combattant.
Ce matin, de bonne heure, l’Amerlock s’est présenté, tout excité : « ça y est ! La fraise a des pépins, deux fois !
Le message est passé hier au soir à la BBC. C’est pour cette nuit à Langolen (commune rurale située à une vingtaine de kilomètres, à l'Est de Quimper) . Prévenez le plus de monde possible ! Pas le temps ; à ce soir ! et il disparaît à vélo …
Heureusement je sais de quoi il s’agit. « La fraise a des pépins » est l’indicatif qui indique qu’un parachutage d’armes aura lieu cette nuit. « Deux fois ! » signifie qu’il sera effectué par deux avions. Quant au lieu exact, seuls quelques responsables sont au courant. (en réalité près de la ferme de Stang vraz, non loin de la vallée de l’Odet ).
Pas de temps à perdre. Je préviens dans la matinée, le plus possible de mes gens, en leur demandant d’alerter à leur tour ceux que je ne pouvais joindre (mais naturellement certains n’ont pu être avertis à temps). Je leur propose aussi de passer à la maison, où ils seront munis d’un « viatique », car j’ignore la durée des opérations. Ce viatique ? Pour chacun, une boîte de tripes, une boîte de pâté, une tablette de chocolat, un paquet de pain d’épices, un paquet de tabac, le tout provenant de « la récupération » récente d’un « Colis du Prisonnier » qui ne fonctionne plus, les communications ferroviaires avec l’Allemagne étant strictement réservées aux troupes de la Wehrmacht. Ces préparatifs ne constituent pas un modèle de prudence car « la maison » est à 50 mètres du Grand-Hôtel occupé par les Allemands.

Fig 2 : « la maison » est à 50 mètres du Grand-Hôtel occupé par les Allemands
Bien entendu, j’ai consulté la carte Michelin, indiqué à chacun l’itinéraire à suivre, la plupart ignorant où se trouve Langolen. Et voilà ; il s’agit d’arriver à destination le plus tôt possible, de toute façon avant la nuit ; et pour certains, de commencer par se procurer un vélo !
Personne n’a rechigné, mais toute la troupe n’a pu être prévenue. Nous sommes parvenus à destination en fin d’après-midi, par petits groupes pour ne pas attirer l’attention : précaution presque superflue, car la région ne connaît pas l’Occupation, qui ne sévit de façon effective et continue que dans la zone côtière.
La nuit est venue. Nous avons entendu les avions, qui ont fait plusieurs passages à basse altitude. Ce n’est qu’au petit jour que les responsables ont réclamé de la main d’œuvre pour récupérer et rassembler les containers, les transporter dans la prairie, prendre connaissance du contenu : fusils, fusils-mitrailleurs, mitraillettes ; grenades, munitions.
Une équipe de trois parachutistes a également été réceptionnée.
Il a fallu aussi aborder l’épineux problème du partage des armes. Et commencer par déterminer quels groupes pouvaient y prétendre. Il m’a semblé que certains de ces groupes étaient déjà fortement structurés, alors que la création d’une « septième Compagnie de Quimper » baignait pour le moment dans le flou. Nous faisions l’effet « d’invités-surprise »…
La 7° Compagnie F.F.I. de Quimper a donc vu le jour effectivement à Langolen. Avec un capitaine nouveau venu pour la plupart d’entre nous (le quimpérois Bernard Bédéric) ; avec des lieutenants « autoproclamés » tout aussi inconnus sauf « l’Amerlock », désormais connu sous son véritable nom, que parmi nous personne n’ignorait ! Enfin, à la guerre comme à la guerre… et ces gradés étaient tout aussi motivés que leurs troupes.

Fig 3 : Septembre 1944, au pied du Frugy à Quimper. L'encadrement de la 7° Compagnie avec le capitaine Bernard Bédéric et le lieutenant Marcel Perrot de Pleuven (probablement "l'Amerlock")
Notre attribution en armes s’est chiffrée à 2 fusils mitrailleurs, 10 fusils, 12 mitraillettes, un nombre considérable de grenades. Je précise, en toute modestie que 4 des fusils provenaient d’âpres négociations, qui me furent confiées par le capitaine avec ses homologues des autres groupes, et que j’apportais aussi mes deux mitraillettes.
Nous avons quitté Langolen le 6 août pour un cantonnement à Keradennec, banlieue sud de Quimper. Immédiatement l’effectif s’est augmenté d’une section FTP quimpéroise. Les Allemands ont définitivement évacué Quimper le 8 août, non sans y avoir commis diverses exactions.

Fig 4 : la buvette de Gourvily à Kerfeunteun à la famille Le Jeune dont 4 membres furent exécutés le 5 août 1944.
Cependant les hostilités n’étaient pas terminées. Les Allemands occupaient toujours le pays Fouesnantais à cette date.
Remerciements sincères à Yvonne Nicolas épouse de Louis.
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