Au soir du 26 août 1944, à l'issue de durs affrontements étalés sur une vingtaine d'heures, les FFI capturent à Beuzec Cap-Sizun, en bordure de la baie de Douarnenez, près de deux cent cinquante soldats et marins allemands qui tentaient de regagner Brest par la mer. Trente-sept vies ont disparu ce jour-là, dans des circonstances souvent tragiques.
L'affaire de Beuzec, plus connue sous l'appellation de « combats de Lesven », fait sans nul doute date dans les annales des combats victorieux livrés dans l'Hexagone par les FFI, à l'aide de leurs seuls moyens. Fait d'armes d'importance, elle symbolise l'un des temps forts de la libération du département du Finistère.
La 7° Compagnie avait été mise en alerte depuis plusieurs jours.
21 août la Compagnie se rend à Locronan. Cantonnement à l’école privée des frères.
Fig 1 : Photo d'un groupe de fouesnantais prise le 25 août sur la place de Locronan.
Rang du bas et de gauche à droite: Jean Berrou- Albert Lozach - Alain Person - Corentin Le Viol - Josic Bolloré - ne pas oublier Wolf, le berger allemand, trouvé à Bréhoulou au départ des occupants (qui l'avaient "emprunté") et qui a retrouvé la ferme de Keraliou en Plomodiern d'où il provenait, ferme où sera basé par la suite le PC des FFI lors des combats du Menez Hom.
Rang du haut : Jean Gloaguen- Jean Donnard- * José Rousseau - Louis Le Crane - Jean Person - Jean Lozach - François Séhedic -
Jean Donnard sera tué à Telgruc le 3 septembre 1944
Fig 2 : Jean Donnard
Le 25 août environ 200 Allemands (dont une cinquantaine de blessés) du point d’appui d’Audierne vont essayer de gagner Brest via Crozon, depuis Lézongar (sur Esquibien) . Ce sont des soldats et des aviateurs, et surtout des marins rescapés des combats navals qui viennent d’avoir lieu en baie d'Audierne dans la nuit du 22 au 23 août. Ils réquisitionnent une trentaine de charrettes et des chevaux et, conduits par un lieutenant SS, se dirigent vers Pors Lesven, une crique sise à environ dix kilomètres au Nord de Lézongar, sur la commune de Beuzec Cap Sizun. La crique fait face à la presqu’île de Crozon. Située au débouché d’un vallon, elle est appuyée à l’Est par une pointe rocheuse qui termine la crête qui surplombe le vallon.
Le déplacement ennemi est difficile et surveillé par les résistants. L'embarquement à bord de cotres armés de la 2ème flottille de patrouilleurs commandés par un enseigne de vaisseau qui connaît l’endroit ne va pas se passer comme prévu.
Fig 3 : Carte des combats de Lesven
25 août ; 20 heures : Pour la 7° Compagnie : alerte en prévision d’un embarquement allemand dans la région de Beuzec Cap Sizun.
Témoignage de Pierre Nédélec de Pleuven qui faisait partie de la section commandée par le lieutenant Perrot, militaire de carrière et mari d'une institutrice enseignant à l'école publique de Pleuven.
Fig 4 : Pierre Nédélec de Pleuven
Fig 5 : le lieutenant Perrot, de Pleuven également
« 23 heures : départ en car de Locronan, direction Beuzec ? Connais pas ! Grand silence dans le car. La plage du Ris, Douarnenez, Poullan, Beuzec Cap Sizun : tout le monde descend ! En file indienne, nous rejoignons l’endroit où s’élève aujourd’hui le monument élevé à la mémoire de nos camarades disparus.
Le paysage a beaucoup changé depuis ce combat. Il existait des talus plus hauts et plus nombreux, des pins, des bosquets d’arbres qui masquaient la côte.
Nous bifurquons sur la droite. La tension est forte car c’est le baptême du feu pour la plupart d’entre nous. Les frères Person, Alain et Jean, Yves Nédélec et moi-même, équipés d’un fusil mitrailleur provenant du parachutage du 4 août à Langolen (voir "il y a 80 ans (6) la naissance de la 7° Compagnie") prenons la direction de Lesven.Rencontre avec une vieille dame en pleurs.
Fig 6 : Alain Person qui construisit sa maison dans le "haut" de la commune de Bénodet à hent tri person (le chemin des 3 curés car en limite des communes de Fouesnnat, Pleuven et Bénodet).
Fig 7 : Jean Person, frère d'Alain
Un homme arrive, échange de quelques mots puis retour à notre première position face au chemin de Lesven.
De la fumée, des flammes, cris des Allemands qui attaquent. Des balles sifflent au-dessus de nos têtes. Arrive le Capitaine Bédéric, sans doute aussi ému que nous : « Pas question de reculer, reprenez vous places ! » Regard droit dans les yeux, pas un mot.
Fig 8 : Capitaine Bernard Bédéric, commandant de la 7° Compagnie FFI et responsable des opérations lors de ces combats de Lesven.
Le calme est revenu progressivement. La soif, la faim, on n’y pense pas ; Nous serons d’ailleurs ravitaillés aux environs de midi.
L’arrivée d’une auto-mitrailleuse nous remonte le moral. Ordre est donné d’avancer dans cette route que nous ne connaissons pas. Dans la deuxième courbe, nous mettons le fusil mitrailleur en batterie vers le sud-ouest, en direction des grands arbres touffus. Alain Person lâche quelques rafales dans ces feuillages. Une balle siffle au ras de nos têtes : nous sommes repérés. Nous continuons notre marche à l'abri des talus, puis des bâtiments ds fermes du village de Lesven, du côté nord, vers la mer. Et les tirs continuent...Les balles sifflent toujours. On s'enhardit. Sur la gauche des résistant s'avancent sur un champ de lande, et devant eux, des soldats allemands se lèvent, les mains en l'air.
Les tirs dans notre direction ayant cessé, nous descendons vers la plage de Lesven. Des rafales de mitrailleuse venant du bas crépitent à nouveau. Quelques coups de feu partent de chez nous puis plus rien. A notre arrivée dans la petite crique, la mitrailleuse allemande était encore chaude, enrayée par le sable".
Fig 9 : Pors Lesven aujourd'hui
"Pour conclure, après les comptes-rendus de nos amicalistes, il restera que Lesven en Beuzec Cap Sizun fut une grande victoire FFI .Le monument élevé à la mémoire de nos chers disparus est le plus beau témoignage de reconnaissance que nous leur devions en souvenir du sacrifice de leur vie".
Propos recueillis et retranscrits par Louis Nicolas.
A noter également qu'un corps franc dépendant du détachement Marine de Bénodet, basé au Grand Hôtel, et composé de 35 hommes placés sous le commandement du 1er maître Joseph Scouarnec, ancien du maquis de St Marcel, dans le Morbihan, était aussi présent lors des combats de Lesven. Joseph Scouarnec y fut d'ailleurs blessé.
Sources : Archives départementales du Finistère -
"Le Finistère dans la guerre" de Alain Le Grand et Alain Le Berre
" Les Clandestins de l'Iroise" de René Pichavant
Les combats de Lesven à Beuzec Cap Sizun. Un épisode marquant de la libération du Finistère par Alain le Berre. Article paru dans le magazine 39/45 n°276 et 277 – mars avril 2010
Les souvenirs de Louis Nicolas retranscrits par lui-même.
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