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IL Y A 80 ANS (5) LE 4 JUILLET 1944 A BENODET René Bleuzen

Photo du rédacteur: Renan ClorennecRenan Clorennec

Dernière mise à jour : 6 août 2024


René Bleuzen, qui fut pendant de très longues années le correspondant inamovible du quotidien "Le Télégramme" et membre très actif du club des anciens à Keranguyon a livré dans les colonnes du bulletin (comme on disait à l'époque) de l'association Foën Izella de très nombreux articles dont celui-ci qui est une véritable pépite. Preuve en est qu'il est plus que nécessaire de poursuivre son travail.

Certains n'oublient pas et d'autres se consacrent à faire en sorte que la flamme ne s'éteigne pas comme le "Souvenir français".







La date du 4 juillet reste gravée dans la mémoire des Bénodétois comme le jour le plus sombre des quatre années d’occupation. Une escadrille d’avions britanniques attaquait les installations allemandes de l’anse de Penfoul.



Fig 1 : Attaque d'un avion de la RAF sur les installations de Kergaït (on devine le dock) et les navires de la Kriegsmarine.Alain Le Berre via Frédéric Hénoff


Un des avions s’écrasait en flammes près de la ferme de Keranguyon et ses deux occupants, le pilote Anthony Phillips et son navigateur Robert Thomson étaient tués sur le coup. Deux employés de la ferme, Yves Glémarec et Yvonne Laurent étaient grièvement brûlés dans l’explosion et l’embrasement de l’appareil touchant le sol. Si Yves a survécu, Yvonne décédait à l’hôpital quelques heures après son admission.




Fig 2 : Yvonne Laurent

Plus près de l’Arsenal, Mathilde Capp était frappée par un projectile et devait être amputée du bras droit.

Les victimes et les témoins se souviennent bien de cette journée et nous la racontent, mais au préalable il convient de dire ce qu’était Bénodet en ces temps de présence allemande.

En 1942, la marine de guerre allemande, la Kriegsmarine, installa à Bénodet une base de réparations et d’entretien pour ses dragueurs de mines. Un ancien dock flottant de 72 mètres de long, pesant 680 tonnes, comportant 12 caissons, arriva à Bénodet en provenance de l’Arsenal de Lorient, tiré par deux remorqueurs. Il était amarré dans l’anse de Penfoul, devant la propriété Kergaït, à l’abri des regards côté mer. Ce dock fut sabordé par les troupes d’occupation avant leur départ ; après bien des atermoiements, il vient d’être sorti de la vase pour permettre l’extension du port de plaisance.


Fig 3 : le dock en 1955 11 ans donc après sa destruction. En arrière, les ruines de Kergaït brûlé par négligence de 30 octobre 1940.




Fig 4 : Le capitaine lieutenant Ambrosius qui commandait toutes les installation de la Kriegsmarine de Bénodet. source: Frédéric Hénoff


Roger Danic, demeurant actuellement rue de Keranguyon, originaire de Lorient, avait 18 ans et venait de terminer son apprentissage à l’Arsenal de Lorient lorsqu’il fut affecté à l’Arsenal de Bénodet avec 130 ou 140 autres ouvriers, des jeunes pour la plupart. Il se souvient :

« Je suis arrivé à Bénodet le 3 décembre 1942. Un camion découvert est venu nous prendre à la gare de Quimper. Il faisait froid, j’enfonçais mon béret basque sur mes oreilles. Nous avons d’abord été logés à l’hôtel Bellevue, puis à l’hôtel Beaurivage.

Sur la propriété Dauchez (Maës) surplombant le dock flottant se trouvaient les ateliers : tôlerie, ajustage, mécanique, menuiserie et le bureau. Nous faisions des réparations sur les avisos et les dragueurs de mines qui arrivaient généralement par couples, intervenant sur les coques au-dessus de la ligne de flottaison, et à l’intérieur. Les navires reprenaient la mer dès les réparations terminées. Dans l’attente, le navire s’embossait sur un coffre au milieu de la rivière.

Pendant les réparations délicates risquant de provoquer des explosions, les munitions du bateau étaient entreposées dans les coffres du dock. Cependant, Bénodet n’était pas un lieu de ravitaillement en munitions pour la marine allemande.

Le 4 juillet 1944 je travaillais lorsque s’est produite l’attaque des avions alliés. Nous, travailleurs, suivant les consignes, sommes allés dès l’alerte nous réfugier dans le petit bois situé à la fourche des deux rues de Kercréven. Explosions, tirs des armes automatiques, et parmi tous les civils qui se trouvaient là, j’ai vu une jeune fille, Mathilde Capp, qui venait d’être blessée et qu’on soutenait pour quitter les lieux. Immédiatement après le passage des avions, nous avons appris que l’un d’entre eux était tombé.

Nous sommes allés sur les lieux : il y avait un grand rassemblement autour des débris de l’appareil, et des bâtiments de la ferme brûlaient. Les corps des deux aviateurs gisaient dans la cour devant la maison et devant l’étable. Les militaires allemands parcouraient le champ de blé à la recherche d’autres cadavres éventuels. Les deux civils blessés avaient déjà été évacués avant notre arrivée.

Les allemands ne nous ont pas informés des résultats de l’attaque aérienne. Je sais seulement qu’un bateau a été touché (1), puisqu’ils l’ont échoué pour éviter qu’il ne coule. Il y a eu des morts et des blessés parmi les membres d’équipage, mais je n’en connais pas le nombre. »

Déclaration d’Yves GLEMAREC.

« En 1944, j’avais 25 ans, j’étais marié et père d’un enfant d’un an, Marcel. J’habitais Park Marc’h, en Bénodet. J’étais commis à la ferme de Keranguyon, une ferme de 12 hectares au service de Vincent et Marie Berrou.



Fig 5 : Yves Glémarec à Parc Marc'h avec le petit Marcel dans les bras.


Yvonne Laurent, dont les parents demeuraient à Menez Groas, travaillait également dans cette ferme et y demeurait.

Le 3 juillet, veille des évènements dont j’ai été la victime, j’avais observé un avion allemand qui à trois ou quatre reprises, simulait l’attaque du dock flottant de l’anse de Penfoul, devant Kergaït. Il piquait à chaque passe au ras du bois de Kergos et remontait vers Sainte-Marine.

Le 4 juillet à midi, nous étions rentrés pour un repas de galettes que nous confectionnait madame Berrou. Son mari, le patron, requis par les allemands pour assurer la garde la nuit précédente, avait mangé d’abord pour aller faire la sieste.

Nous venions de nous mettre à table lorsque le vacarme a éclaté. Je ne me souviens pas si c’est d’abord le klaxon d’alerte des navires, ou bien le bruit des avions et les

ses poêles. J’ai traversé l’enclos à fourrage vers le champ voisin, l’endroit de mon observation de la veille.

Et j’ai aperçu trois avions en formation qui piquaient sur leur objectif. J’ai pensé qu’ils faisaient comme l’avion allemand de la veille, à l’endroit où le pont se rattache actuellement à la terre côté Combrit.

Et je suis monté sur le talus pour mieux voir.

A peine sur le talus, j’ai vu en gros plan l’avion de droite passer au ras du toit de l’Armoric-Hôtel.

Je n’ai pas eu le temps de l’identifier, car au même instant éclatait au-dessus de ma tête le premier obus d’une série de sept, et j’ai eu le réflexe de me protéger des éclats en me blottissant contre le tronc du châtaignier le plus proche. Trois ou quatre secondes seulement ont séparé l’éclatement des obus et le fracas de la chute de l’avion, le Mosquito du Wing Commander Phillips et de son navigateur Robert Thomson. Je n’avais pas vu cet appareil qui m’était masqué par un grand châtaignier. J’appris plus tard qu’il avait effleuré un cerisier sur lequel Jean Le Ster était grimpé !

J’ai d’abord cru que l’avion était tombé sur l’arbre qui m’abritait. Un grand vacarme, des débris volant de tous les sens autour de moi, et instantanément, je me suis retrouvé dans un brasier dont les flammes me dépassaient en hauteur. J’ai d’abord couru, ce qui a encore attisé le feu de mes vêtements ; je me suis jeté à terre mais sur une pièce incandescente de l’appareil. Encore quelques pas, et j’ai pu me rouler dans les fanes de pommes de terre, en m’éloignant du centre du brasier où des munitions explosaient. Je me suis allongé dans le sens des sillons et j’ai cru que j’étais tiré d’affaire, mais ma chemise brûlait encore dans le dos, et c’est Yvonne Laurent qui l’a éteinte.

Yvonne, les vêtements complètement brûlés, est allée à la ferme de Prad-Poullou, distante de 300 mètres. Quant à moi, je me suis rendu à Keranguyon Vian, chez Mathias Berrou. J’étais nu-pieds, il m’a prêté ses socques, et son vélo pour me rendre chez le docteur Jacq alors installé à l’impasse Ty Men. Pierre Jacq m’a fait mes premières piqûres de morphine et de camphre, et m’a reconduit en voiture à mon domicile dans l’attente de l’ambulance de l’hôpital de Quimper qu’il avait alerté. Il s’est ensuite rendu à Prad-Poullou au chevet d’Yvonne Laurent.

La souffrance devenait intolérable, et j’étais devenu complètement aveugle (je le suis resté pendant trois jours). On m’a embarqué sur une civière dans l’ambulance qui est ensuite passée prendre Yvonne Laurent. En cours de route, celle-ci m’a expliqué qu’elle était juste derrière moi, dans le fossé, lorsque l’avion est tombé. Les vêtements en feu, elle a dû ramper sous le tronc d’un châtaignier abattu pour aller se jeter dans l’auge qu’elle avait remplie d’eau le matin même à l’intention des vaches. Elle est

décédée à l’hôpital, douze heures après son admission.

Je suis resté à l’hôpital jusqu‘au 23 septembre, et j’ai été autorisé à rentrer à condition d’aller chaque jour me faire panser chez le docteur Jacq. Madame Jacq, doctoresse, m’a dit par la suite qu’elle avait pensé que je ne survivrais pas, étant brûlé sur tout le corps à 60% : la limite admise à l’époque était de 50%. J’ai été brûlé aux 1er, 2ème et 3ème degrés aux jambes, aux mains et aux bras, au visage, à la poitrine, et j’ai une cicatrice de 70 cm sur 15 dans la région lombaire. Je suis resté un an en incapacité totale de travail… »


Témoignage de Marie GLEMAREC, épouse de la victime.


Fig 6 : Portrait de Marie Glémarec

« Le 4 juillet 1944, peu après midi, je me trouvais à mon domicile à Park Marc’h lorsque j’ai entendu le fracas d’un avion qui passait très bas au-dessus de la maison, au ras des arbres. Mais cela n’a duré qu’un instant.

Une heure où deux après, j’ai vu arriver à la maison madame Jacq, la doctoresse, qui m’a annoncé d’emblée : N’ayez pas peur, votre mari est un petit peu brûlé !

Mais lorsque je l’ai vu, j’ai constaté qu’il était partout atteint, que ses vêtements étaient complètement détruits par le feu. La peau des mains, du corps, des jambes, se détachait en longues plaques et lanières. A la demande de la doctoresse, un voisin a apporté un litre d’huile pour nettoyer les plaies. Mon mari souffrait de plus en plus, il ne voyait plus, et lorsque l’ambulance est arrivée, environ une heure plus tard, il est parti sur une civière. J’avais mon fils Marcel qui allait avoir un an. Dans l’après-midi, je suis allée à Keranguyon chercher le lait que mon mari m’apportait habituellement tous les jours. J’ai vu que l’étable et la grange

avaient brûlé, les décombres fumaient encore. Partout, il y avait des débris d’avion : une aile contre le talus, un moteur à l’intérieur de l’enclos, un autre devant l’étable. C’était indescriptible. Heureusement, la

longère comprenant la maison d’habitation, la cave et la porcherie avait été épargnée.

Les corps disloqués des deux aviateurs se trouvaient dans la cour de la ferme : l’un près de la fenêtre de la maison, l’autre au milieu, devant l’étable. Les militaires allemands étaient sur place et interdisaient que l’on touche à quoi que ce soit, et notamment aux corps des victimes qui n’ont été enlevés que deux jours plus tard. J’ai su par la suite qu’ils avaient été identifiés grâce à Roger Cuzon qui les avait fouillés avant l’arrivée des allemands.

A la demande de madame Berrou, j’ai ensuite habité la ferme de Keranguyon pendant tout le temps que mon mari est resté à l’hôpital. »


Fig 7 : Madame Berrou à Keranguyon devant la 402 Peugeot.

Fig 8 : Vincent Berrou




Déclaration de Mathilde CAPP, épouse de Noël Coatmen demeurant 3, Parkou Penhoat Salaün à Pleuven.


Fig 9 : Mathilde Capp vient de recevoir la médaille. Derrière elle son époux Noël Coatmen.


« En 1944, j’avais quatorze ans, et j’étais apprentie couturière chez Annie Guézellou, avenue de l’Odet à Bénodet. J’habitais chez mes parents, dans la même avenue.

Ce 4 juillet, ma mère m’a demandé d’aller prévenir mon père que le repas était prêt : il travaillait dans son champ de Kercréven. Au lieu d’aller directement vers mon père, je me suis avancée jusqu’au bord de l’escarpement où l’on pouvait regarder les bateaux allemands au mouillage devant l’anse de Penfoul. Le temps était beau. Je contemplais la rivière depuis peu de temps lorsque, subitement, j’ai

entendu des bruits d’avions et le crépitement des mitrailleuses des attaquants et celui de la défense anti-aérienne des allemands. J’ai vite rebroussé chemin et je suis entrée dans la propriété Crespel où je me suis jetée à terre, près de la haie de lauriers palmes. J’avais près de moi Paul Calloc’h, un camarade de mon âge.

Etant ainsi à terre, j’ai soudain ressenti comme une forte chaleur, et j’ai vu du sang qui coulait sur le sol. J’ai réalisé que j’étais blessée : une balle avait pénétré au niveau de l’articulation de l’épaule droite et avait déchiqueté mon bras jusqu’au poignet ; la main était intacte.

A cette vue, Paul Calloc’h s’est sauvé. François Glérant, qui se trouvait à proximité, est venu vers moi, m’a relevée et m’a soutenue pour me conduire chez le docteur.

Avant d’arriver avenue de l’Odet, voyant que j’avais du mal à marcher, il a avisé un char à bancs dont le cheval était attaché à un poteau : il m’y a installée, a détaché le cheval et l’a mené jusqu’à proximité du cabinet médical du docteur Abbadie où il m’a portée et où mon père m’a rejointe. (Le véhicule emprunté était celui de monsieur Berrou, que je revois encore avec son chapeau breton…).

En attendant le docteur, sa bonne, une bigoudène, voyant mon triste état, m’a donné un verre de Lambig pour me réconforter, puis un deuxième à ma demande. Il y a ensuite un trou dans ma mémoire, et quand j’ai repris conscience, je me trouvais à Kergaït, entourée de militaires allemands. Un de leurs

docteurs m’a fait une piqûre dans la fesse, et je me souviens avoir eu le réflexe de rabaisser ma robe après l’injection. Les allemands m’ont ensuite conduite à Quimper dans leur ambulance où il y avait aussi des militaires blessés. A la demande de ma mère, qui m’accompagnait, ils m’ont déposée à la clinique

du Sacré-Cœur où le docteur Gaumé m’a amputée du bras droit à la partie haute.

Moins d’une semaine plus tard je quittais la clinique et j’étais de retour chez mes parents. Ma blessure s’est cicatrisée sans aucune complication. Dans les premiers temps, j’étais surtout contrariée à l’idée que je ne pourrais plus nager (J’étais la meilleure nageuse des filles de mon âge). J’en ai parlé à la maison et, encouragée par mon père, je me suis mise à l’eau avant la fin de l’été : j’ai retrouvé les plaisirs de la natation, sur le dos, sur le ventre.

Par la suite, j’ai repris mes études, j’ai dû m’accrocher pour écrire, car j’étais droitière. J’ai obtenu le brevet élémentaire et j’ai travaillé dans les assurances, puis dans l’administration des P.T.T., jusqu’à mon mariage avec Noël Coatmen. J’ai deux filles aujourd’hui âgées de 39 et 34 ans. Malgré mon amputation et ma position de victime civile de la guerre, je considère que j’ai bien réussie ma vie. »


Témoignage de Jean CAPP, frère de Mathilde.


Fig 10 : Jean Capp et son épouse

« Je suis le frère de Mathilde Coatmen. J’avais seize ans en 1944. Nous habitions tous deux chez nos parents. Le matin du 4 juillet, requis par les militaires d’occupation, j’avais travaillé avec une demi-douzaine de camarades au creusement de trous dans un grand champ situé sur la route de Quimper, au droit de la propriété de Bodigneau, à trois bons kilomètres de Bénodet. Ces trous étaient prévus pour recevoir des pieux destinés à empêcher un éventuel atterrissage d’avions où de planeurs alliés.

A midi, nous venions déjeuner, à pied, lorsque s’est produite l’attaque aérienne sur les bateaux allemands mouillés devant ou à l’entrée de l’anse de Penfoul. Au bruit des explosions et des tirs intenses d’armes automatiques, nous nous sommes tous planqués dans le fossé, près de l’endroit où s’amorce actuellement la route du pont. Et je me souviens parfaitement avoir vu passer au-dessus de nous, une boule de feu que j’ai prise pour un avion en flammes, et j’ai pensé tout de suite qu’il avait été touché par la défense anti-aérienne. A peine avait-il disparu du regard que s’est produite une énorme déflagration.

Nous nous sommes dirigés vers le lieu d’où s’élevaient déjà des flammes et de la fumée, et nous avons constaté que l’avion était tombé près de la ferme de Keranguyon dont certains bâtiments flambaient.

Dans la cour gisaient les corps des deux aviateurs, éjectés de leur appareil, déchiquetés et morts sur le coup.

Sur les lieux du sinistre, est arrivé un copain, Bastien Fagon, qui m’a appris que ma sœur avait été blessée au cours de l’attaque aérienne. Je suis rentré tout de suite à la maison, mais je n’ai pas vu

Mathilde, elle était déjà partie pour Quimper, avec ma mère, dans l’ambulance allemande. Mon père, qui était auprès de Mathilde chez le docteur Abbadie, m’a dit par la suite l’efficacité du médecin allemand qui y était arrivé : il a découpé le pansement déjà appliqué pour pincer les vaisseaux et arrêter l’hémorragie. Mon père estimait que cette intervention avait été déterminante pour éviter le

pire. »



Témoignage de « Fanch » GLERANT, demeurant rue du Hent Glaz à Bénodet.


Fig 11 : Fanch Glérant

« En 1944, j’avais trente ans. J’exerçais le métier de marin-pêcheur ; j’étais chargé de famille, et l’existence était difficile.

Le 3 juillet, pour gagner un peu d’argent, j’étais allé cueillir des cerises à La-Forêt-Fouesnant. Le lendemain, ma femme les a mises en sachets, pour que j’aille les vendre aux allemands sur leurs bateaux, et dans leur foyer de Penfoul.

A la fin de la matinée, je suis donc allé vers les bateaux dans ma plate. J’ai tout vendu, et je suis revenu m’amarrer à la cale de Penfoul. Je me préparais à partir lorsque les avions ont attaqué les bateaux allemands au mouillage. Je me suis mis à l’abri dans la propriété Crespel, près de plusieurs autres personnes. Et là, j’ai constaté que la jeune Mathilde Capp était gravement blessée au bras. Je l’ai soulevée et l’ai soutenue pour la conduire chez le médecin. En cours de route, j’ai avisé un char à bancs

arrêté, j’ai mis Mathilde dedans et j’ai mené le cheval jusqu’au mur édifié par les allemands pour barrer l’actuelle route de Kerguélen. J’ai porté Mathilde jusqu’au cabinet du docteur Abbadie. Cette jeune fille, que je connaissais déjà, s’est montrée très courageuse, mais elle était à bout de forces quand je l’ai déposée dans le char à bancs, et son bras déchiqueté était affreux à voir. »


Autres témoignages :

« Ven » GUILLOU.


Fig 12 : "Ven" Guillou en septembre 1944


« Le 4 juillet j’étais devant mon domicile (l’actuel Hôtel de la Poste) au moment de l’attaque des avions alliés contre l’Arsenal de Bénodet. J’ai vu passer à basse altitude un avion duquel sortait une épaisse fumée et j’ai réalisé qu’il allait s’écraser pas loin. Avec mon camarade Norbert Duigou, j’ai couru vers le lieu de la chute, la ferme de Keranguyon, avec l’idée de venir en aide aux aviateurs, ou bien, comme nous appartenions à la Résistance, de récupérer des armes.

Dans la cour et aux abords de Keranguyon dont certaines constructions brûlaient, j’ai vu les débris de l’appareil abattu et les corps des deux aviateurs.

Nous étions dans les premiers arrivés, les munitions éclataient encore, et des éclats m’ont atteint à la jambe et à la main gauche, ce qui a nécessité ma conduite à la clinique du Sacré-Cœur à Quimper d’où je suis revenu, en char à bancs, huit jours plus tard. »

Jean MORVAN


Fig 13 Jean Morvan en septembre 1944

« Il était un peu plus de midi et je venais de déjeuner, ce 4 juillet, lorsque l’Arsenal et les bateaux allemands ont été attaqués par les avions alliés. Je me trouvais à la ferme de Creac’h Conard, à proximité de la batterie allemande de trois pièces de D.C.A. installées près du château d’eau. (Note : un Marine Flak Zug ou section de Flak de la Marine ; trois pièces de 20 ou 37 mm servies par une dizaine d’hommes

chacune.) Elles dominaient la rivière après que les grands ormes eurent été étêtés par les soins des occupants.

Je voyais le départ des projectiles et j’ai distingué très nettement l’impact d’un obus sur un des avions volant bas et qui virait devant la batterie, s’offrant ainsi au tir de la D.C.A. J’ai vu comme un éclair, suivi immédiatement de flammes dans l’appareil qui est allé s’écraser sur la ferme de Keranguyon.

A la ferme de Creac’h Conard nous vivions au contact journalier des militaires de ces batteries anti-aériennes. La « descente » de cet avion a été pour eux un grand succès, et dès le lendemain le chef de pièce était décoré. »



Fig 14 : Une véritable relique que cet objet provenant du mosquito britannique qui s'est écrasé non loin de la ferme de Keranguyon à Bénodet le 4 juillet 1944.

UC LOCK correspondrait à undercarriage lock, une genre de goupille bloquant les roues au sol, à retirer et ranger pour le vol. Et une bougie.

Ces objets avait été récupérés par Corentin Le Breton qui vivait avec ses parents dans un petit penty (qui existe encore) à proximité même du lieu du crash. Il a ensuite transmis ces objets à un voisin sans doute peu de temps avant sa mort.


Fig 15 : Corentin Le Breton



Fig 16 : l'article du Ouest France de ce jour sous la plume de Catherine Jaouen.


Et derrière cerise sur le gâteau...


Fig 17 : Photo datée du 22 juin 1946 représentant les 2 tombes originelles de nos 2 aviateurs britanniques. Source : famille Philipps via Frédéric Hénoff.

Qui se souvient de cet emplacement ? Pas impossible que ce soit le même qu'aujourd'hui, c'est à dire à l'angle nord-Ouest du "premier" cimetière adossé au mur.




Remerciements très sincères à Frédéric Hénoff, Vincent Berrou, Jef Ribay, jacques Glémarec, Arlette Cornec- Jean Maes. Yvonne Nicolas. Et sans oublier un très vif merci à René Bleuzen (photo ci-dessous) !


































































































































































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passionnant ! (ce que je regrette de ne pas avoir interrogé plus Mamie sur cette journée là... je n'ose omaginer la peur qu'ont dû ressentir les bénodétois présents)

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© 2019 Renan Clorennec

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